Droit aux origines : vers la fin de l’anonymat absolu des accouchements sous x ?
17-06-2025
Juliette Seblon | 12 Juin 2025
La France célébrait le 30 mai dernier la Journée mondiale de l'accès aux origines. Cette manifestation a été l’occasion pour le « Collectif des nés sous X d’ici et d’ailleurs » de relancer le débat sur l’anonymat des naissances.
Cette association, forte de plus de 2 600 membres, milite pour un abandon progressif de l’accouchement sous X, au profit d’une alternative : l’accouchement dans la discrétion. Une évolution soutenue par la Haut-commissaire à l’enfance, Sarah El Haïry, qui plaide pour une réforme conciliant droit à l’identité pour l’enfant et protection de la mère.
Une singularité française de plus en plus contestée
La France est aujourd’hui l’un des derniers pays occidentaux à maintenir la possibilité d’un accouchement totalement anonyme. Entre 500 et 600 enfants naissent chaque année sous ce régime juridique, qui exclut toute transmission automatique d’identité ou d’information médicale à l’enfant.
Ce modèle a été instauré pour protéger les femmes en détresse et pour éviter les infanticides. Cependant, il se confronte aujourd’hui à la défense de plus en plus affirmée d’un droit à avoir accès aux origines. Aussi, beaucoup réfléchissent à la possibilité d’une solution qui permette à la fois de protéger les femmes et de faciliter l’accès aux origines.
Une enquête réalisée il y a déjà une quinzaine d’années par le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles avait révélé que sur 4 274 demandes, dans 33 % des cas, elles avaient pu aboutir « à la communication de l’identité de la mère de naissance (12 % avec son consentement, 11 % parce qu’elle était décédée et 10 % parce qu’il n’y avait pas en réalité de secret) ».
Dans 45 % des cas, l’identité n’a pu être révélée en raison d’une impossibilité d’identifier ou de localiser la mère. Et pour 14 % des dossiers, la mère a refusé de lever le secret.
Un anonymat devenu illusoire à l’ère des tests ADN
Quinze ans plus tard, la généralisation des outils génétiques a probablement bouleversé la situation et rend obsolète la promesse d’un anonymat absolu, considère le Collectif. En France, bien que les tests ADN récréatifs soient interdits, entre 150 000 et 200 000 personnes en réaliseraient chaque année, souvent en ligne via des plateformes étrangères.
« On ne peut plus garantir un anonymat à vie », juge Erik Pilardeau, cofondateur du mouvement, qui dénonce une « hypocrisie juridique ». Aussi, le collectif propose-t-il d’instaurer un anonymat jusqu’à la majorité de l’enfant, période durant laquelle la mère devrait laisser son identité et des éléments de santé dans un dossier confidentiel.
Une réforme pour équilibrer droits maternels et droits de l’enfant
Le modèle proposé, déjà appliqué dans certains pays, permettrait de garantir à l’enfant un accès différé à ses origines, tout en offrant à la mère une protection temporaire. Le volet médical constitue un point crucial de cette revendication : la transmission des antécédents de santé est jugée indispensable, tant pour le suivi pédiatrique que pour l’évaluation des risques héréditaires.
L’objectif affiché est clair : sortir du paradigme du secret définitif pour entrer dans une logique d’accompagnement, de prévention et de respect mutuel des droits fondamentaux. A cet égard, il est important également de se souvenir des raisons qui poussent les femmes à accoucher dans l’anonymat. Une enquête menée par l’Institut national d’étude démographique, également il y a quinze ans, avait ainsi permis de mieux connaître leurs motivations.
La solitude de ces femmes était notamment mise en avant : ainsi, dans 24 % des cas les personnes interrogées mettaient en avant leur séparation avec leur conjoint, 7 % d’entre elles déploraient le refus du père d’assumer cet enfant et 10 % signalaient les difficultés sociales ou psychologiques graves du géniteur.
Ces femmes étaient par ailleurs nombreuses à redouter leur trop grande jeunesse (19 %), mais elles évoquaient plus fréquemment encore leurs propres difficultés sociales et économiques (28 %). Dans ce tableau, les pressions familiales ne sont prises en considération que pour une minorité d’entre elles (11 %) tandis que le viol et les relations forcées ne sont que très rarement cités et qu’aucun cas d’inceste ne figurait dans l’étude.
Enfin, dans un cas sur dix, les femmes accouchant sous X souffrent d’une maladie psychologique ou physique qui peut de fait expliquer ce choix.