Association d'Assistants Familiaux Lorrains

Haute-saône « on est avant tout des enfants » : confiés à enfance bourdault, ils brisent les clichés dans un film

23-12-2025

À l’origine imaginé en interne à Enfance Bourdault, un atelier autour de la voix est devenu un film réalisé par des professionnels qui montre la voie empruntée par quatre adolescents confiés à l’Aide sociale à l’enfance, à Vesoul et Luxeuil. Des K-soss comme vous dites est déjà promis à un destin national.

Karine Frelin - 14 déc. 2025

On ne les verra pas. Enfance Bourdault protège, comme il se doit en matière de placement d’enfants mineurs, ces quatre adolescents qui se racontent à une équipe de tournage bisontine. Leur nom, leur visage est connu par leurs proches, les professionnels de la structure dans laquelle ils sont accueillis, et tous ceux qui ont eu la chance d’assister à la première du film Des Ksoss comme vous dites, le 4 décembre au cinéma Le Majestic à Vesoul. La soirée a réuni 380 personnes, dont les 70 enfants accueillis à Enfance Bourdault, des professionnels de la protection de l’enfance, des éducateurs spécialisés et les partenaires de ce vaste projet vécu, par ses protagonistes, comme une véritable sortie de cinéma !

Filmer un « atelier des voies »

C’est la deuxième année que Sarah De Puga et Jérémy Thieulin, éducateurs spécialisés à Enfance Bourdault, proposent un projet musical aux ados confiés en Maison d’enfants à caractère social (Mecs). « La première fois, on avait fait Radio Bourdault, qui avait abouti à un CD », explique Guillaume Fallot, directeur adjoint.

Cette fois, ils se sont lancés dans un « atelier des voies », qui a été filmé. Le tournage, confié à Alexis Amiotte et Bertrand Vinsu, documentaristes bisontins, devait raconter ce cheminement à travers le parcours de deux garçons et deux filles, âgés de 13 à 16 ans. « Il a pris une tournure à laquelle on ne s’attendait pas parce que les jeunes ont voulu aborder des sujets personnels. »

Ni larmoyant, ni paillettes

Se sont-ils sentis en confiance ? L’équipe de tournage, rencontrée pour la première fois en mai, a réussi à lever rapidement les appréhensions. « On leur a précisé qu’ils auraient un droit de regard et valideraient le film, indique le directeur adjoint. Les réalisateurs, avec astuce, ont eu tôt fait de se faire oublier en venant souvent, et en vivant même avec eux trois jours à la Mecs de Luxeuil-les-Bains, du petit-déjeuner au coucher. »

« Ils avaient écrit un synopsis, se souvient Sarah De Puga. Mais je ne suis pas sûre qu’il a vraiment été suivi. Ce sont plutôt les prises qui ont guidé la construction du film. Et puis ils ont fait de l’humour, des blagues, ça a permis une véritable fluidité. » Le résultat n’est « ni larmoyant, ni paillettes. Il retrace l’écriture de trois chansons et d’un podcast, l’enregistrement jusqu’à l’arrivée des CD, qu’ils ont d’ailleurs tous vendus lors de la soirée », se réjouissent les éducateurs.

« C’est ce qui se passe tous les jours, sans artifices »

La liberté de parole des enfants et des professionnels filmés marquera cette aventure. L’histoire, universelle, d’enfants confiés à l’Aide sociale à l’enfance, le quotidien et le travail d’éducateurs qui amortissent les émotions, un métier difficile et technique. « C’est ce qui se passe tous les jours, sans artifices. Ils nous apportent autant, voire plus, que ce que nous pouvons leur apporter », glisse Sarah, encore émue par ce qu’elle a vécu.

Les quatre ados, eux, se sont créé un souvenir commun « qui va leur servir, assure le directeur adjoint. C’est loin d’être simple de se voir dans un film, d’écrire, de se mettre en avant. Ça a remué beaucoup de choses, parce que leur parcours de vie est compliqué ».

Mais on ne les verra pas. Leurs parents auront droit à une diffusion en janvier. Seuls leur prénom et l’initiale de leur nom apparaissent sur l’affiche. Les autres protagonistes ont enlevé leur nom, pour ne pas faire de différence. Car ces « Ksoss »-là, qui veulent avant tout qu'on les traite comme des enfants, ont encore tant de choses à nous transmettre.

Un film référence pour les professionnels

Après la diffusion du 4 décembre à Vesoul et une présentation aux parents en janvier, deux autres diffusions sont d’ores et déjà prévues : l’une au Mégarama de Besançon, l’autre aux Journées nationales des Maisons d’enfants à caractère social (Mecs), qui aura lieu à Épinal du 25 au 27 mars 2026.

Il ne s’agit pas, pour Enfance Bourdault, de garder ce document pour elle. « On ne doit pas non plus trop exposer les enfants, on doit veiller à les préserver. Mais le film doit continuer sa vie », remarque Guillaume Fallot. Il s’agira de montrer ces adolescents comme « des experts de la protection de l’enfance. Eux connaissent mieux que personne les bruits, la nuit dans leur lieu de vie, la stigmatisation, mais aussi la liberté d’agir ».

Un budget et des partenaires

Le projet a été porté par des partenaires qui ont contribué aux 40 000 € de budget : les Amis d’Enfance Bourdault pour 15 000 €, Alésio Mutuelle, dans le champ de l’économie sociale et solidaire, pour 10 000 €, Vesoul Marathon, via Courir pour des prunes, pour 3 500 €, le cabinet d’orthodontie Kielwasser pour 1 000 €, mais aussi le Centre information jeunesse, la Région, la Ville de Besançon pour les affiches et le Majestic pour la diffusion.

K.F.